Guy Ledentu feuilletonne la vie de Pauline : la bataille des créanciers (7)
Dans la dernière chronique nous avons vu que Pauline venait d’autoriser Gustave Perre à acheter et administrer l’usine de Rustrel en son nom. Cet homme lui a pourtant été recommandé par des amis prêtres, eux même abusés par la manipulation de cet homme.
En réalité (c’est le comble de l’escroquerie) Gustave Perre utilise les fonds pour la conduite de ses affaires personnelles. Jusqu’au jour où la justice adresse « une sommation à Mademoiselle Jaricot d’avoir à payer sous bref délai le prix de l’acquisition faite en son nom, les intérêts courants et les dettes contractés par le mandataire sans quoi on mettra de nouveau l’usine en expropriation. » Elle tombe comme l’homme qui descendait de Jérusalem à Jéricho entre les mains des voleurs : à quand le bon Samaritain ?
Le rêve de secourir les ouvriers s’envole ! Chose étonnante, Pauline couvre son homme d’affaires et prend en charge la décapitation de son bien et de celui des prêteurs. L’hypocrisie et la cupidité ont eu raison de la droiture et de la générosité de Pauline.
Par acte du 20 novembre 1846, elle signe et s’engage au remboursement intégral des prêts… Elle ne veut pas léser les petits prêteurs qui lui ont fait confiance totale. Face à cette catastrophe, à ce détournement de fonds, il fallait saisir la justice ! Pauline comprend la tromperie des deux escrocs mais elle assume toutes les conséquences car c’est elle en quelque sorte, la responsable, en voulant créer une usine modèle. Il reste à trouver l’argent nécessaire pour rembourser les prêteurs, surtout les petits, et en plus à régler l’achat fait en son nom pour peut-être sauver son oeuvre.
Hélas, mille fois hélas ! C’est un puits sans fond qui vient de se creuser sous ses pieds. Une solution ? partir mendier, faire le porte-à-porte pour récolter des dons. Elle écrit : « une voix intérieure me dit, va tendre la main et parler de ton oeuvre dans toute la France, je compterai tous tes pas, les humiliations, les fatigues au profit de ceux que tu désires sauver. »
« La mendiante » comme elle se nomme et signe les lettres, se met en route avec Maria Dubouis (l’envoyée du Curé d’Ars) qui va partager ces heures douloureuses, ce chemin de croix. Elle sera Simon de Cyrène réquisitionnée pour porter la croix de Jésus. Pauline écrit à ses Filles de Marie : « Mes pauvres enfants, je donnerai jusqu’à mon dernier sou, jusqu’à ma vie pour sauver Lorette [menacée d’expropriation] Je vous enverrai tout ce que la charité me donnera et vous le remettrez aux plus pressés. Ayez bon courage, Dieu a permis toutes ces choses. »
A son départ de Lyon pour aller mendier, une orpheline soutenue autrefois par Pauline lui donne un vieux morceau de papier qui recèle dix louis d’or. A Montpellier chez son ancienne associée qui l’appelait « ma soeur » elle trouve un coeur fermé. Pauline ne pouvant la rembourser immédiatement d’un prêt, son amie lui apprend qu’elle hypothèque Lorette. Le chemin de croix commence.
Mais à Bordeaux, Madame de Vellepeux, noble appauvrie, lui remet 7000 francs.
C’est au cours de ce voyage que Julia Maurin, sa biographe, la rencontre en la cathédrale de Saintes. Voici ce qu’elle en écrit. Elle découvre deux femmes en prière (Pauline et Maria) la plus âgée reflète, laisse paraître un je ne sais quoi de mystérieux et de rayonnant. Julia Maurin ose la rencontre, elle est accueillie par un sourire rayonnant. La conversation s’engage dans la confiance, Pauline lui confie sa vie, ses joies, ses peines et surtout ses projets. Julia est conquise et décide de la rejoindre à Lorette pour partager son idéal de vie. Pauline lui avoue : « Je suis une voyageuse dont l’unique bagage est la croix ». Elle va porter ce bagage jusqu’à sa mort. A la Rochelle, Pauline rend visite à un ancien Lyonnais et ami, Mgr Villecourt qui lui remet une offrande. Il lui conseille de faire valoir ses droits, il reconnait qu’on lui doit aide en raison de l’œuvre de la propagation de la foi. C’est le premier soutien de l’Eglise, beaucoup lui remettront une lettre de soutien pour appuyer ses demandes d’aumônes.
De Marseille, elle écrit : « J’irai de ville en ville. Le Seigneur m’apprend peu à peu à pratiquer la pauvreté qui forme fond des mystères de ma vie ».
Dans tous les lieux où le Rosaire Vivant est implanté, elle est accueillie avec joie. Elle reçoit un accueil chaleureux, des encouragements et quelques petites offrandes. Ses recettes sont bien maigres face à une dette qui paraît sans mesure. Le 1er mai 1849 Pauline lance un SOS à ses chers associés du Rosaire : « à l’heure où vous vous disposez à offrir des couronnes de fleurs à Marie, je viens vous parler du faisceau d’épreuves dans lequel, depuis 3 ans, je suis enlacée comme une pauvre brebis prise par sa laisse et vous appelle, au nom de la charité, à me dégager sans vous blesser vous-mêmes ».
Guy Ledentu
Source : Eglise à Lyon, n°48, février 2022, p. 16
Episodes précédents :
Pauline Jaricot – épisode 1 : jeunesse
Pauline Jaricot – épisode 2 : sa vie
Pauline Jaricot – épisode 3 : achat de sites sur la colline de Fourvière
Pauline Jaricot – épisode 4