Le monde pour un sou
Pauline Jaricot, née en 1799 et morte en 1862, a été reconnue « bienheureuse » par l’Église le 22 mai prochain à Lyon, en signe de sa perfection chrétienne. Jolie, mondaine, volontiers coquette, elle n’a que 17 ans quand sa vie prend un tournant radical : brûlant ses livres romanesques, elle délaisse ses bijoux et s’habille comme la plus simple des ouvrières. À 20 ans, avec quelques amies, elle va donner à l’Église universelle un élan missionnaire qui la rendra célèbre dans le monde entier…
Pour comprendre le génie des intuitions de Pauline, il faut se replonger dans le contexte de sa jeunesse. Sous la Révolution, payant le prix fort de sa modération et de son opposition à la Convention, Lyon est assiégée et tombe aux mains des Montagnards les plus acharnés. La répression est sanglante. Tandis que les faubourgs ouvriers s’éloignent de la religion, le clergé réfractaire entre en résistance. Dans la clandestinité, il agit et se développe.
La restauration religieuse portée par le cardinal Fesch, nommé archevêque de Lyon par son neveu Napoléon Bonaparte, sera précoce et puissante. Il relève en quelques années les séminaires et les institutions religieuses, et encourage la création de nouvelles congrégations. Pauline incarne parfaitement le catholicisme social lyonnais, efficace, inventif, ouvert à l’universel et à la quête spirituelle. Née dans le milieu florissant de l’industrie de la soie, elle se met au service des pauvres et des ouvriers. Depuis Lyon, elle va consacrer toute sa vie aux missions les plus lointaines. Deux siècles avant l’avènement des réseaux sociaux, elle va fonder une chaîne de prière qui se répandra dans le monde entier.
LE « SOU DE LA MISSION »
Préoccupée par l’état dramatique des missions catholiques que son frère s’apprête à rejoindre pour partir en Chine, elle se met au travail. Au printemps 1818, avec 200 jeunes ouvrières, elle fonde une œuvre de bienfaisance dont l’intuition est toute simple : réciter une prière quotidienne et verser une offrande hebdomadaire pour les missions. La « collecte du sou de la mission » était née. Bientôt, des centaines d’associés et de responsables les rejoignent. Les troncs où chacun peut glisser son sou (cinq centimes) chaque semaine pour les Missions se multiplient dans les boutiques et les maisons d’éducation. L’année suivante, Pauline échafaude un plan : la collecte par dizaine. Chacune des personnes rassemblées est invitée à donner un sou par semaine et à prier pour les Missions, puis à chercher chacune autour d’elle dix autres personnes qui donneraient aussi un sou chaque semaine, et ainsi de suite, de proche en proche. En 1821, l’œuvre compte 2000 membres. Le 3 mai 1822 voit la naissance officielle de l’Association pour la propagation de la foi.
LE SAViEZ-VOUS ? À 27 ANS, PAULINE FONDE L’ŒUVRE DU ROSAIRE VIVANT POUR ENCOURAGER LA RÉCITATION DU CHAPELET. À SA MORT, ELLE COMPTAIT DEUX MILLIONS D’ASSOCIÉS.
En lançant « la collecte du sou de la mission » auprès des ouvrières de son père, Pauline Jaricot invente le tout premier réseau social missionnaire. Fondée en 1822, devenue pontificale en 1922, c’est-à-dire placée entre les mains du pape, son œuvre continue de soutenir la mission catholique partout dans le monde. Elle célèbre cette année son bicentenaire.
Lorette, la maison de Pauline Jaricot, achetée en 1832, située sur les pentes de la colline de Fourvière. Elle s’y installe l’année suivante avec les « filles de Marie », la communauté de jeunes filles pieuses qu’elle a fondée.
Appelé Lorette en souvenir de la maison de la Sainte Famille, ce lieu de mémoire, de prière et de mission accueille aujourd’hui encore des pèlerins et des visiteurs venus du monde entier.
Les OPM soutiennent l’évangélisation comme en Mongolie ou au Myanmar (la Birmanie). Toutes les Églises du monde contribuent selon leurs moyens et toutes les Églises locales reçoivent selon leurs besoins, en faveur de la mission.
EN DÉTAIL
UNE CONSCIENCE SOCIALE
Très sensible à la misère ouvrière, Pauline a assisté à la révolte des Canuts et aux troubles qui ont agité Lyon au début des années 1830. Souhaitant améliorer la condition ouvrière, elle collecte des fonds et engage sa fortune en 1845 pour racheter un site industriel dans le Vaucluse et mettre sur pied une usine modèle. Victime d’hommes d’affaires qui l’escroquent et mènent l’entreprise à la faillite, elle finit sa vie ruinée, déconsidérée. Elle meurt dans le dénuement le plus total le 9 janvier 1862, alors que les œuvres qu’elle a fondées rayonnent dans le monde entier.
L’EXTENSION À LA MISSION UNIVERSELLE
Le système expérimenté dans les quartiers populaires de Lyon est étendu à Paris et dans les diocèses de France. Les premiers bénéficiaires seront les missionnaires en Chine et un évêque évangélisateur des Indiens d’Amérique du Nord ! Cent ans plus tard, son œuvre devenait pontificale, gérée directement par le Saint-Siège, afin de continuer à soutenir la mission catholique sur tous les continents.
LES ŒUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES (OPM)
Les OPM sont présentes dans 140 pays. Elles dépendent directement du pape à travers la
Congrégation pour l’évangélisation des peuples (le « ministère » de l’évangélisation du Saint-Siège).
L’œuvre pontificale de la Propagation de la foi, inspirée par Pauline Jaricot contribue à la vie des diocèses les plus démunis par l’évangélisation et la catéchèse. Elle finance plus de 5 000 projets par an dans le monde.
L’œuvre pontificale de Saint Pierre Apôtre aide les séminaristes, les séminaires et les noviciats religieux.
L’Enfance missionnaire développe l’esprit missionnaire des enfants et soutient environ 2 700 projets dans le monde, liés à l’éducation et à l’évangélisation.
L’Union pontificale missionnaire participe à la formation missionnaire des prêtres, religieux, religieuses et agents pastoraux.
Source : Alexandre Meyer pour l’1Visible